Mercredi 8 mai 2019, Gil Bernardi, Maire du Lavandou, François Arizzi, Maire de Bormes, les élus du Conseil municipal, les autorités civiles et militaires, les porte-drapeaux et représentants des associations patriotiques ont commémoré le 74ème anniversaire de l’Armistice de la Seconde Guerre mondiale. Après lecture du message de la secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Armées par Claude Maupeu, Maire-adjoint et les dépôts de gerbes, le Maire a prononcé son allocution.
Discours de Gil Bernardi prononcé au Square de Héros
Il aura fallu attendre 75 ans, et l’incendie qui a ravagé la Cathédrale Notre Dame de Paris – avec l’émoi suscité que l’on sait – pour que les images fortes reviennent : celle d’un géant. Pour que certains d’entre nous se remémorent, et que les jeunes générations l’apprennent : sur le parvis de cet édifice multiséculaire, symbole de l’Histoire de notre Nation, un homme, imperturbable et droit sous la mitraille, bravait les francs-tireurs et les ultimes poches de résistance de l’envahisseur comme de la « 5ème colonne ». Il s’avançait fièrement, sous les acclamations de la foule, et le crépitement des armes automatiques, alors qu’éclataient les orgues du Te Deum de gloire et du magnificat vibrant. Comme il venait d’entrer dans Paris libéré, pour asseoir la reconquête de la Capitale et restaurer la grandeur de notre pays. De « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré. Libéré par lui-même. Libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France toute entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle… ses devoirs de guerre. L’ennemi chancèle, mais il n’est pas encore battu. Nous voulons rentrer sur son territoire… C’est pour cette revanche, cette vengeance et cette justice, que nous continuerons à nous battre jusqu’à la victoire totale et complète. »
La veille, le 25 août 1944, Charles de Gaulle avait descendu les Champs Elysées devant un cortège triomphant. Saisissant déchirement d’une population qui, le 20 avril, acclamait encore Pétain, après le bombardement des Batignolles et de la Chapelle par les américains ! La victoire symbolique de notre Capitale n’était pourtant qu’une étape, dans la libération totale de notre pays, et vers les rives du Rhin puis les faubourgs de Berlin, qui allait consacrer la fin du second conflit mondial, avec la reddition des armées ennemies et la capitulation du régime nazi. D’abord à Reims – ville symbole d’une humiliation effacée – puis dans l’ancienne capitale du Reich, terrassée par les armées alliées des deux fronts.
Sur ce parvis, l’Homme, dans la gloire, contemple la mémoire des pierres et l’amnésie des hommes.
Depuis le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, puis celui de Provence, le 15 août, la reconquête de la liberté de notre Nation ne fut pas une simple formalité, qui n’avait jusqu’alors fait que peu de cas de la force des symboles. Et la liesse générée par la capitulation de l’envahisseur ne doit pas occulter l’âpreté des combats que nos libérateurs livrèrent, deux mois durant, et après que 15.000 d’entre eux se furent inclinés sur les plages de France, dans la campagne Normande, où chaque haie de bocage offrait une position défensive à l’ennemi et où la 9ème division SS de Panzers de Rommel faisait un carnage. Où chaque pouce de terrain reconquis se paya au prix du sang versé. Ni les atrocités commises par l’occupant au fil de son repli, depuis le plateau des Glières – tombé deux mois avant le débarquement – et encore de tant de maquis anéantis, comme celui du Vercors, où le 27 juillet, 650 maquisards sont anéantis. Jusqu’au massacre de la population d’Oradour-sur Glane par la sinistre division SS Das Reich, le 10 juin 1944. Et ces contre-offensives terribles de l’ennemi dans les Ardennes ou sur le pont d’Arnhem… jusqu’à la prise de celui de Remagen, dont l’échec du dynamitage du pont Ludendorff ouvrait toutes grandes les portes de l’Allemagne, et scellait le sort de l’empire du mal.
Il fallait attendre, encore, la tragédie de Bastogne, où 5.000 G.I sont tués ou exécutés au sol. Et le drame de la libération des camps de la mort. Le dénouement. Celui de la jonction de l’Elbe ou l’étau des deux fronts se fermait définitivement sur le rêve nazi.
Le 8 mai 1945…. « victoire de printemps » après un hiver qui avait duré plus de 4 ans. Et durant lequel, la France humiliée avait été annexée par son ennemi héréditaire. Ses armées terrassées par le déferlement de la puissance militaire nazi, son peuple terrorisé, son gouvernement honteusement représenté par le régime collaborationniste de Vichy et sinistrement associé aux exactions de la milice et à la déportation de ses juifs et de ses résistants.
Le souffle vivifiant de la liberté. Enfin.
Et au milieu du tumulte, la voix et la stature, presque seules, d’un homme qui avait incarné la France libre : celle qui ne pliait pas. Celle qui ne renonçait pas. Le Général de Gaulle de l’appel du 18 juin, qui malgré l’épouvantable défi, allait structurer la résistance intérieure, réorganiser nos armées défaites, préparer la reconquête, et encore s’imposer parmi ses rivaux comme l’incarnation de la France éternelle. S’imposer aux forces alliées, pour que la France soit non seulement un fer de lance de sa propre libération mais présente et respectée, à la table des vainqueurs. Celle de la Conférence de San Francisco, après le camouflet de Yalta. Celle des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Le sens de l’honneur.
Où face à l’abandon, au renoncement, l’incarnation de la France combattante allait susciter tant de gestes et d’actes héroïques, depuis ces dépôts de gerbes du 11 novembre par nos étudiants, face à l’occupant, au sacrifice de Jean Moulin qui ne parla pas, jusqu’à l’évasion du « Casablanca », et ses milliers de torturés ou de déportés, de fusillés qui crient « Vive la France », dont la mémoire est portée par ces monuments de douleur qui nous rappellent que leur sacrifice n’a pas été vain.
Des années de peur et de souffrance, de privation et de morts, que ne parvient pas à effacer la victoire du 8 mai 1945. Malgré le soulagement et la liesse.
Et une célébration, une commémoration, qui prennent aujourd’hui une dimension singulière : la veille de la journée de l’Europe, anniversaire de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950. A quelques jours des élections européennes, et dans un contexte où les patients et laborieux efforts, déployés par les alliés d’hier, pour tisser un réseau d’institutions destiné à empêcher que ne se reproduise un nouveau conflit continental, puis mondial, pour éviter que ne ressurgissent les égarements nationalistes, sont mis à mal, par l’émergence d’idéologies extrêmes. Et que l’idée même d’une Europe unie et fraternelle ne se délite, à contrario des messages d’espoir portés par Charles de Gaulle, pour cette « Europe, depuis l’Atlantique jusqu’à L’Oural. C’est l’Europe, toute l’Europe qui décidera du destin du monde » prophétisait-il dans son discours prononcé le 22 novembre 1959 devant l’Université de Strasbourg.
En dépit de l’effort surhumain déployé par quelques-uns, pour que la vengeance et la haine cèdent le pas à la nécessaire réconciliation. Car après avoir gagné la guerre, il fallait encore vaincre les haines et gagner la paix.
Une poignée d’hommes, Jean Monet, Paul Henri Spaak, De Gasperi, Conrad Adenauer et Robert Schuman. Schuman et son discours fondateur du 9 mai 1950 : « la paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant, depuis plus de 20 ans, le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre » et ce sera l’Europe du charbon et de l’acier, avant la Communauté Européenne de Défense et l’alliance des forces armées d’Etats libres et souverains.
Voilà 74 ans, le « vieux continent » comptait ses dizaines de millions de morts, ses plaies béantes, mesurait l’ampleur de la tragédie. Il se prosternait sur la tombe de ses Héros, mais dans le déchirement, faisait également un effort sur lui-même et sublimait ses rancœurs, accomplissant le serment de tirer les enseignements de la destruction, de l’hécatombe, de l’holocauste, du désastre, pour tisser un réseau de mains tendues, de convergences, de coopérations, et d’institutions qui lui éviterait de revivre un tel cauchemar.
Avoir une vision, au-delà de deux conflits mondiaux !
Héritière du 8 mai 1945, l’Organisation des Nations Unis, comme l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et l’Europe, nous ont permis de connaitre la paix. Pour trois quarts de siècles. Et pourtant, les institutions européennes sont aujourd’hui décriées, les gouvernements « souverainistes » se multiplient partout en Europe depuis la Hongrie jusqu’à l’Italie, les tensions dans les Balkans ne se sont pas apaisées, la Crimée a été annexée par la Russie et l’Ukraine tremble. De même que les pays Baltes sont sous la protection de l’OTAN, les Britanniques n’en finissent plus de vouloir quitter l’Europe, encore menacés des partitions irlandaise et écossaise. La renaissance des particularismes s’affiche en Catalogne, et la crise migratoire n’a fait qu’ajouter aux divergences et aux dissensions. Partout, le patient édifice se fissure.
Qu’avons-nous appris du naufrage, pour faire route aussi aveuglément, aussi légèrement, aussi résolument, vers les mêmes brisants ? 20 millions de morts n’auront-ils pas suffit à forger notre raison ?
Pourtant, tant de douleur, tant de souffrance, tant de sacrifices nous obligent.
Et c’est sans doute ici même, en nous inclinant à la mémoire de tous ceux qui ont offert leurs vies pour la liberté, pour notre liberté, en rendant hommage à nos grands hommes, que nous pouvons trouver la force et la raison pour résister aux tentations de la désunion et aux appels des sirènes de l’isolement.
En nous rassemblant respectueusement autour de ce lieu de mémoire, symbole de la grandeur de la France, pour égrener ensemble les noms, les dates, les lieux de supplice et de sacrifice. Pour retrouver à leur évocation et en nous même, à l’éclairage de notre grande Histoire, la voie du dépassement et de l’espoir ; A notre tour.
Cette victoire du 8 mai 1945, la victoire de la France contre l’oppression ennemie, contre la tyrannie, mais aussi sur elle-même, n’est belle que si nous continuons à la porter en nous. A la faire vivre. Comme un message de paix et d’entente universelle entre les peuples, ennemis d’hier et fraternels d’aujourd’hui, comme de demain. Cette victoire de la France nous force au respect. Non seulement pour ceux qui l’ont remportée mais encore pour la liberté recouvrée, pour le message reçu, pour l’espoir porté, mais toujours pour nos concitoyens qui défendent au quotidien notre idéal de paix : depuis le Proche Orient où nos forces spéciales ont contribué à éradiquer le spectre de haine et de la violence, à juguler un autre empire du mal, celui d’une idéologie totalitaire, raciste et criminelle, jusqu’au confins du Sahel où nos militaires affrontent au quotidien un ennemi implacable et résolu.
Et dans notre pays même où les forces de la DGSI œuvrent au quotidien, discrètement, secrètement, pour déjouer un terrorisme insidieux mais bien vivant. Cette guerre-là ne fait que commencer. Elle se joue à l’échelle planétaire et exige l’union de nos vieilles nations.
Cette guerre n’est que la poursuite de la victoire du 8 mai 1945 et de notre quête de paix.
Que l’hommage que nous apportons aujourd’hui, en témoignage de gratitude pour les vainqueurs du second conflit mondial, soit également l’occasion de leur exprimer la solidité et l’intransigeance de notre engagement au service de notre pays. Notre patriotisme ; et non pas notre nationalisme. Notre volonté de soutenir nos armées et nos forces de sécurité, mais encore d’exprimer notre détermination à poursuivre l’édification de notre histoire de paix et à défendre, coûte que coûte, nos valeurs et notre civilisation, dans une Europe unie et fraternelle.
Alors, comme l’exprimait Charles de Gaulle le 8 mai 1945 : « pas un effort de ces soldats, pas un acte de courage ou d’abnégation, pas une souffrance, pas un deuil, pas un sacrifice, pas une larme, n’auront donc été perdus ».
Vive la mémoire du 8 mai 1945 et Vive la France.
Gil Bernardi
Maire du Lavandou
Le 8 mai 2019