Suite au décès de Pierre Velsch, dimanche 25 septembre 2022, la Ville du Lavandou a tenu à rendre hommage à ce héros de la libération qui, au sein du groupe des commandos d’Afrique, a participé au débarquement de Provence dans la nuit du 15 août 1944.
Jeudi 29 septembre, Gil Bernardi, maire du Lavandou, Evence Richard, Préfet du Var, François de Canson, vice-président de la Région Sud et maire de La Londe-les-Maures, Patricia Arnould, Conseillère départementale, François Arizzi, maire de Bormes-les-Mimosas, Jean Plénat, maire du Rayol-Canadel-sur-Mer, les élus des quatre communes, le colonel Guillaume Dinh, Commandant de groupement de Gendarmerie du Var, le colonel Luc Moulin, délégué militaire départemental, les militaires du 54ème Régiment d’Artillerie d’Hyères, Gaëlle Rouault, Commandant de gendarmerie de la compagnie d’Hyères, le capitaine Frédéric Iori, commandant du centre de secours de Bormes-Le Lavandou, les représentants des associations patriotiques et les portes-drapeaux, étaient réunis au Square des Héros, aux côtés de la famille et de nombreux Lavandourains, pour rendre un vibrant hommage à Pierre Velsch, héros lavandourain.
Après les dépôts de gerbes, François Bonin, Président de l’Amicale des Commandos d’Afrique et Patrice Caserio, trésorier de l’association et ami de Pierre Velsch, ont retracé les faits d’armes exceptionnels de ce jeune soldat, qui s’est engagé pour libérer la France alors qu’il n’avait que 17 ans. Dans son discours, Gil Bernardi a quant à lui mis en lumière les qualités humaines de ce Grand Homme que Le Lavandou aimait tant, avant de laisser la parole au Préfet du Var pour un hommage au nom de l’État français.
L’Hommage de Gil Bernardi, maire du Lavandou, à Pierre Velsch
« Pierre VELSCH s’en est allé.
Ce moment où il tirerait sa révérence, nous le redoutions tous ; tant il incarnait des valeurs fortes, tant il symbolisait la liberté retrouvée pour notre Commune qu’il avait contribué à libérer du joug d l’occupation ; tant il constituait le repaire sûr, le cap ferme dans les temps agités.
Et puis, il était le dernier… de ces soldats de la France combattante, venus d’Afrique du Nord pour sauver la Mère Patrie de l’asservissement… le dernier des Commandos d’Afrique.
Au fil des commémorations du 15 août, de la prise du Cap Nègre – de vive force – par le groupe Roméo, du débarquement de Provence, année après année, le nombre des Commandos s’était réduit. Tant de visages devenus familiers disparaissaient peu à peu. L’âge… le temps… la vie, quoi !…
Et chaque année, suivant un rituel immuable, les rescapés des combats se retrouvaient au Lavandou, puis s’en allaient à leur tour rejoindre leurs frères d’armes : Jo Bonnet, bien sûr, et le Commandant Bonin, Kasmi, Coatener, Jean Plancke, De Leusse, Charles Leca, Robert Chiazzo… tellement magnifiques de fidélité dans la mémoire, tellement précieux du récit de leurs exploits, tellement « commandos dans l’âme ».
Pierre Velsch les voyait l’un après l’autre, monter au ciel des valeureux combattants ; sans doute inquiet du poids qui pèserait sur les épaules de celui qui resterait le dernier ; de la charge qui lui incomberait de porter seul la flamme de son Unité, de faire flotter au vent la nef au croissant, à la voile rouge frappée de l’Étoile de David.
Tenez bon, Pierre… Vous êtes éternel !… Une prière.
Et son sourire en réponse, comme pour nous dire : « je fais de mon mieux ».
Étonnant personnage, Grand Homme, qui avait mille fois affronté la mort pour goûter pleinement aux saveurs de la vie. Lui, qui s’était engagé volontaire à 17 ans, avec les 11 de Kouba, pour libérer la France, parmi cette troupe cosmopolite héritée des Corps Francs d’Afrique, pour composer l’élite des Commandos.
Avons-nous seulement idée de la force de caractère, du mental qu’il faut à un adolescent, pour donner sa vie au sein d’une troupe vouée aux infiltrations derrière les lignes ennemies, aux coups de mains les plus intrépides, aux maniements de toutes les armes, à égorger silencieusement la sentinelle ennemie, à dynamiter la brèche dans le dispositif de défense pour engager le gros des troupes ?… Pour sacrifier sa jeune vie…
Diable d’homme, ce Pierre Velsch. Quel cran, quel panache !…
« Pas du tout » se défendait-il ; « c’était comme un jeu. A chaque permission, nous allions subtiliser les provisions dans les stocks des Américains. Nous faisions la fête avec les filles d’Italie. » La belle vie quoi !… Et l’humour comme la dérision faisaient le reste : du camion dérobé aux alliés pour regagner le camp, aux punitions en forteresse qui se transformaient en orchestre de fortune pour le bal des Officiers ; du débarquement erroné sur la « mauvaise plage » qui s’avère providentiel – car la « bonne » était minée, elle ; au pied arraché de l’infortuné frère d’arme, que l’on recherche sans succès pour le restituer au blessé qui le réclamait. Et tous en rient… du garde-barrière que l’on essaie de convaincre que c’est bien le libérateur qui frappe à la porte, à l’accueil des Lavandourains… et surtout des ravissantes lavandouraines, qui n’ont d’yeux que pour ces intrépides gaillards qui viennent les libérer… de cette fille de menuisier que Pierre séduit de son sourire, avant de monter à l’assaut de Mauvanne.
L’amour et le sang – le sang, mais l’Amour.
La voilà la guerre de Pierre Velsch, toute de banalisation des exploits du héros, pour ne retenir que les moments heureux… et de jeter un voile pudique sur le compagnon à qui l’on ferme les yeux. Et sitôt le nuage passé, des paupières humides, sur l’enfer de Cernay, où l’unité voit ses effectifs massacrés de moitié, le regard qui pétille, la malice qui revient… « On se les gelait…. Les Allemands, eux, ils avaient de bonnes bottes »…
Diable d’homme, tout de nuances et d’humilité, qui revient en Algérie pour y rencontrer Lucienne ; puis qui quitte le sol natal en 1962 pour s’égarer dans les brumes parisiennes, avant de regagner Toulon. L’attraction est trop forte : sa vie d’homme, il l’a débutée au Lavandou. Comme un aimant, l’adolescent de Kouba a choisi de terminer sa vie ici… près du Cap Nègre où son chef l’a lancé à l’assaut, par une nuit sans lune du 15 août.
Bouvet… Ah Bouvet !… Ils se seraient tous fait tuer pour leur chef. D’ailleurs, il y a ces tombes alignées à la nécropole du Rayol, celle de la Fossette, celles du Carré Militaire du cimetière du Lavandou… Toutes celles de ce long chemin de croix qui les conduira jusqu’au Rhin, jusqu’à la Forêt Noire… Quelle épopée !…
Restez encore un peu avec nous Pierre. Racontez-nous comme des gourmandises ces anecdotes glorieuses, autant que nous ne saurons jamais ce qu’est devenue la mascotte des Commandos, ce bouc probablement parti batifoler dans les montagnes Corse. Faites-les revivre encore et encore, vos compagnons de guerre, tombés au combat, et éternellement jeunes de leurs 18 printemps… ceux qui brillent toujours dans votre regard espiègle. Quelle force d’âme !…
Nous tous, qui avons eu le privilège de côtoyer cet immense personnage, ce brave parmi les braves, celui qui vouait une dévotion totale à la Vierge Marie – pour lui avoir sauvé la vie tant de fois, pour lui avoir permis de ramener entiers les 11 de Kouba, alors que la moitié des effectifs des Commandos d’Afrique s’étaient inclinés aux combats – comme il savait transmettre aux enfants de France son amour pour la Patrie, son sens du sacrifice, ses valeurs et sa droiture, ne soyons pas tristes.
Non, ne soyons pas tristes.
Cet Homme-là a eu une vie exceptionnelle, une destinée hors du commun et un sens rare de la liberté à offrir en partage.
Quelle magnifique trajectoire, que celle de Pierre Velsch, à jamais debout et nimbé de lumière, dans nos mémoires et dans celles de la postérité. Comme sa famille peut être fière d’avoir vécu avec un homme de cette stature ! Avec un géant !… D’une modestie sans pareille.
Quelle merveilleuse exemplarité il nous laisse en héritage, à nous tous, ses amis, qui avons eu la chance, le bonheur, de croiser un tel monument vivant !
Monsieur Pierre Velsch, vous, le fier combattant, le héros de notre Commune, le Commandeur de l’Ordre de la Légion d’Honneur, mais aussi le gaillard altier de 90 ans qui sillonnait chaque jour les rues du Lavandou, avec cette gentillesse, ce sourire, cette joie de vivre, cette simplicité, ce sens de l’honneur autant que de la dérision, vous voilà à présent parmi les vôtres… A quelques mètres de nous. Vous avez rejoint pour l’éternité ces Commandos d’Afrique à qui nous devons tant… Chochon, Miarra, Ben-Barck, Thorel, Cipriani, mais vous restez à jamais parmi nous, qui ne vous oublierons pas.
Ici, en ce lieu de mémoire, dans votre Lavandou, en cet endroit précis où vous descendiez des collines après le baroud du Cap Nègre, harassé et poussiéreux, mais souriant et heureux de redonner la liberté à ce village, comme un cadeau, comme un bonheur !
Merci, Pierre Velsch, pour cette offrande ; merci pour l’exemplarité de votre vie. Ils le savent tous, mais dites-le-leur encore, puisque vous les avez rejoints, et que vous êtes le dernier à rallier vos frères d’armes : Le Lavandou mesure la grandeur de leurs sacrifices. Le Lavandou sait ce qu’il vous doit.
Le Lavandou vous porte dans son cœur.
Nous vous aimons, Pierre… »
Pierre Velsch, héros de la libération
Né le 27 mars 1926 en Algérie, Pierre Velsch s’engage à 17 ans au sein des commandos d’Afrique que vient de créer le général Giraud. Après une période d’entrainement intensif, il participe aux opérations de libération de l’Ile d’Elbe en 1944 avant de rejoindre la Roméo force qui débarque sur les côtes provençales dans la nuit du 15 août. Au sein du 3ème groupement de bataillons de choc, Pierre Velsch débarque sur la plage du Rayol-Canadel. Il neutralise les défenses côtières, protégeant le débarquement à venir et participe ensuite à l’assaut de la batterie de Mauvanne à Hyères, à la prise du fort du Coudon puis à la libération de Toulon. En novembre 1944, Pierre Velsch prend part à la libération de Belfort et termine la guerre dans la Forêt noire.
En 1946, il regagne l’Algérie où il servira plus tard les Unités Territoriales durant la guerre. Au terme de ce conflit, en 1962, Pierre Velsch rejoint Paris et travaille à la banque de France. Une fois retraité, l’ancien commando d’Afrique renoue avec la Méditerranée en s’installant au Lavandou en 1995 où il participe activement aux commémorations de la libération, et met en lumière le Débarquement de Provence, longtemps oublié.
Son engagement pour la France lui a valu de nombreuses décorations : la Croix de Guerre 39-45, la Croix du combattant volontaire, la médaille militaire et la Légion d’Honneur, dont il était commandeur depuis le début d’année 2022.