A la veille du 79ème anniversaire du Débarquement de Provence, lundi 14 août 2023, les pilotes d’élite de l’Armée de l’Air et de l’Espace réunis au sein de la Patrouille de France et des équipes de Voltige de l’Armée de l’Air et du Rafale Solo Display ont offert un superbe spectacle aérien aux dizaines de milliers de personnes présentes dans la baie du Lavandou. Depuis leur cockpit, les pilotes ont rendu hommage à toutes celles et ceux qui ont participé au Débarquement de Provence, assurant ainsi le fil de leur engagement pour garantir la liberté des Françaises et des Français.
Le lendemain, mardi 15 août, les commémorations officielles célébrant la libération du Lavandou ont débuté par le traditionnel dépôt de gerbe en mer devant la stèle du Cap Nègre. Un hommage qui résonnait particulièrement après la disparition de Pierre Velsch, héros Lavandourain qui avait participé au Débarquement sur les plages du Canadel avec le groupe des Commandos d’Afrique.
Suivant le défilé militaire d’époque ouvert par l’association Provence 44 sur le front de mer, les porte-drapeaux, les élus, les anciens combattants et les membres des Associations patriotiques se sont ensuite retrouvés au Square des Héros pour la cérémonie officielle. Aux côtés de Gil Bernardi, maire du Lavandou, et des élus du Conseil municipal, François de Canson, maire de La Londe-les-Maures, François Arizzi, maire de Bormes-les-Mimosas, Nathalie Janet, conseillère départementale, Agnès Boehm, conseillère municipale au Rayol-Canadel, les membres de l’amicale des Commandos d’Afrique et du Souvenir Français ont déposé une gerbe devant le monument aux morts, avant de laisser place aux discours de François Bonin, président de l’amicale des Commandos d’Afrique et de Gil Bernardi.
Discours de Gil Bernardi, maire du Lavandou
Le Lavandou commémore le 79ème anniversaire de sa libération. Le retour à la paix après le débarquement de Provence, qui a débuté sur nos rivages, dans la nuit du 15 août 1944. A quelques kilomètres d’ici, sur les falaises du Cap Nègre, avec un coup de force d’une audace inouïe, devenu un combat de légende. Un fait d’armes accompli par le Groupe des Commandos d’Afrique ; que nous célébrons chaque année avec une fidélité, une ferveur, une gratitude intactes.
Pourtant, cet été, ce devoir de mémoire a un relief particulier, car à présent, tous nos libérateurs, tous nos héros s’en sont allés.
Et nous mesurons encore mieux, quel privilège nous avons eu, tout au long de ces dernières années, de côtoyer des géants, des héros vivants. En chair et en os, des acteurs et des survivants des grands tumultes de l’histoire ; les libérateurs de notre Commune, venus – tant qu’ils ont pu – au rendez-vous de la mémoire de leurs camarades tués au combat ; nous relater, infatigables, l’histoire de leur mission accomplie, et du sang versé. De leur sacrifice, pour nos parents, pour nous, pour la France.
Nous avons eu de la chance, et du bonheur d’avoir pu leur exprimer notre gratitude, notre affection. De leur vivant. Alors qu’il était encore temps ! et aussi d’avoir su les rassurer sur la transmission de leurs faits d’armes, de leur vaillance, de leur sens du devoir et du sacrifice, de leur message intemporel.
Nous tous, ici et aujourd’hui assemblés pour tenir la parole donnée, et prendre le relai de la mémoire. Au-delà de la disparition du dernier d’entre eux ; Henri Fabre, il y a quelques semaines… Et juste avant lui, celles de Robert Chiazzo, et de notre héros Lavandourain Pierre Velsch. Qui nous manque tant ! Pierre, je sais, nous sentons que vous êtes toujours là parmi nous, en ce 15 août que vous continuez d’incarner.
Ces dernières années, et c’est bien naturel, les rangs des rescapés de l’épopée, ceux des Commandos d’Afrique, s’étaient éclaircis un peu plus vite. Inexorablement, Jo Bonnet, Jean Planke, De Leusse, Coatener, G’Herardi, Kasmi, Scoffier, Lemaître, le Commandant Bonin bien sûr, Leca… Venus rejoindre le paradis des Forces Spéciales, leur Colonel Bouvet, l’immense Rigaud et l’intrépide Ducournau… Le sous-lieutenant Jeannerot et l’Adjudant-Chef Texier. Ceux qui reposent dans la paix des braves sur la terre qu’ils sont venus libérer, à la nécropole du Canadel, au mémorial de La Fossette, ou au carré militaire du cimetière du Lavandou … Pour toujours. Sur cette terre libérée de par leur sacrifice. Au Cap Nègre. Et tout au long de ce chemin de croix.
Ah, le Cap Nègre … quel panache ! Celui de leur exploit en fer de lance sur le flanc ouest du Débarquement de Provence. Celui de la Roméo Force. En plein cœur des défenses ennemies. Un choc frontal et décisif. Ces Commandos d’Afrique, qui avaient reçu la grandiose mission de se sacrifier pour détruire l’artillerie Allemande, pour garantir le succès de l’Opération Dragoon ; menacée par les terribles batteries juchées tout en haut du promontoire sinistre, et qui pouvaient faire vaciller la flotte de débarquement toute entière. Qu’il fallait détruire à tout prix, afin d’éviter des pertes considérables dans le corps expéditionnaire Allié… des pertes similaires à celles du Débarquement sur les plages de Normandie.
Le lieutenant-colonel Bouvet regarde sa montre. 22h. À bord du Prince David, il donne l’ordre au Groupe de Ducournau de monter sur le pont. Le 1er Commando de choc ouvrira le bal. Dans la nuit noire, les 60 hommes d’élite s’assurent de leur paquetage ; le casque lourd, la ceinture encombrée du pistolet, du bidon, des grenades, du poignard, des jumelles, des pansements, de l’étui à boussole, et du porte chargeurs. Le sac à dos est « à bloc » de munitions, d’explosifs, et d’un minimum de rations de survie. Les armes ont été minutieusement inspectées. Surtout, ne rien laisser au hasard, à la négligence, alors que leur mission n’est faite que d’aléas et de précision conjuguée.
Tous savent ce qui les attend. On ne leur a rien caché des estimations du Haut Commandement de Naples : face au dispositif réputé imprenable, leurs chances de réussite sont minces. Patch a averti « le Vieux Lion » : un homme sur deux n’en reviendra pas … et ce serait déjà un succès. Mais Bouvet a accepté. Il a même exigé que cet honneur-là, de voir des Français poser, en premier, le pied sur le sol occupé, leur revienne.
Ils connaissent les difficultés du « chantier » : l’escalade dans la nuit, les réseaux de barbelés, les mines et les chapelets de grenades, les lances flammes automatiques, les casemates de type REGELBAU lourdement armées de mitrailleuses, les guetteurs, et finalement, les gueules des canons enfouis sous des mètres de béton. Ils ont longuement étudié la position de chaque obstacle sur la maquette de caoutchouc. Ils savent la force que représente les centaines de soldats ennemis, puissamment armés, mobiles ; à l’abri des boyaux souterrains. Chacun a un rôle bien défini, parmi les 60 volontaires de la mission suicide. Et ils savent aussi qu’ils devront remplacer le compagnon de combat lorsqu’il s’effondrera. Mais ils ont ressenti l’appel de la gloire dans l’honneur que l’on a accordée à leur unité, d’être les premiers libérateurs de la Provence. Et ils ne trahiront pas la confiance du Général Giraud qui les a imposés. Eux. Précisément constitués pour cela, à partir des Corps Francs, depuis Staouéli…
Ils connaissent aussi le minuscule espace de temps qui leur est imparti pour enlever la position. A 3h15, le jour se lèvera sur ces « démons de l’aube », qui leur ôtera la protection de la nuit.
Il n’existe aucune option de repli. Il leur faudra vaincre ou mourir dans la falaise… Lire la suite du discours